
ÉDITO
SOUTENIR ZUKISWA WANNER ET LA FLOTTILLE GLOBAL SUMUD
Partie de Tunis le 17 septembre avec la flottille Global Sumud pour rejoindre Gaza et briser le blocus imposé par Israël dans sa guerre génocidaire, l’écrivaine et militante sud-africaine Zukiswa Wanner tient son journal de bord pour Afrique XXI. Depuis quelques jours, la tension est montée d’un cran : dans la nuit du 23 au 24 septembre, la flottille a essuyé des tirs, des attaques de drones et le brouillage de ses communications.
Ces attaques, attribuées à Israël, sur des civils non armés, sont inadmissibles et violent la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, alors que la flottille se trouve toujours dans les eaux internationales. À bord des 51 navires en route pour Gaza, plusieurs centaines de personnes, de 45 pays, dont des députés (italien
nes, français es…), des artistes (Zukiswa Wanner, mais aussi l’actrice française Adèle Haenel), des journalistes ou encore des militant es (dont Greta Thunberg) risquent leur vie.À travers ses chroniques, Zukiswa Wanner partage ses réflexions, ses doutes, ses peurs mais, aussi et surtout, la détermination de « la famille », ses camarades embarquéSS, qui a coulé dans la nuit du 20 au 21 février 1917 dans la Manche, accidentellement heurté par un bâtiment états-unien. 618 soldats noirs ont péri, à côté de 9 officiers et sous-officiers blancs. La légende dit qu’ils dansèrent la danse de la mort avant de sombrer… Le livre Dancing the Death Drill (2017), de Fred Khumalo, actuellement joué au Joburg Theater, revient en partie sur cette histoire.
es sur le Mendi Réincarné, le nom qu’elle a donné à son bateau. Elle fait référence au navire sud-africain MendiBaptiser ainsi son navire illustre symboliquement la mission que s’est donnée Zukiswa Wanner, à savoir affronter « l’Empire », dont l’objectif demeure toujours le même : asservir et anéantir des peuples par cupidité.
Afin de soutenir la flottille Global Sumud et le travail de Zukiswa Wanner, vous pouvez faire suivre cette lettre et inciter votre entourage à s’y abonner gratuitement ici. Afrique XXI est un journal indépendant dont l’existence (y compris, donc, les chroniques de Zukiswa Wanner) repose uniquement sur ses lecteurs et ses lectrices. Plus les chroniques de Zukiswa Wanner et la mission de la flottille Global Sumud seront diffusées, plus elles seront protégées.
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À VOIR
CONTINUER D’INFORMER MALGRÉ LE DANGER
« Sans la radio, le développement local est nul. Sans la radio, il n’y a plus d’information. Sans la radio, il n’y a plus d’éducation. Sans la radio, c’est comme si on était mort. » Ces mots de la journaliste Fati Amadou Ali, directrice de la Voix de la Tapoa, à Say, dans le sud-ouest du Niger, concluent le documentaire de Robin Grassi intitulé Radios communautaires : leur combat pour informer au Sahel. C’est elle qui ouvre aussi la première séquence. « Là c’est le Mali, là le Niger, et là le Burkina Faso », présente-t-elle, amusée, se filmant assise à l’arrière d’une voiture, entre ses deux confrères de Gao (Mali) et de Ouahigouya (Burkina Faso), Ousmane Abdoulaye Touré et Adama Sougouri.
Dans le rétroviseur défilent la mégalopole bétonnée dakaroise et ses taxis jaunes. C’est là que l’essentiel du documentaire a été tourné. Là aussi qu’ils se sont retrouvés à la mi-septembre pour le présenter au public. Dans cette « drôle » de capitale où « la pluie ne rafraîchit pas », s’étonne Adama Sougouri, rencontré avec les deux autres protagonistes du film par Afrique XXI.

Ils ont en partage de continuer d’informer dans l’une des régions les plus dangereuses du monde, d’être animés par la « passion et le devoir de sensibilisation », et de croquer à belles dents cette rare occasion de raconter leur média, si méconnu et oublié. Une radio communautaire est une radio qui appartient aux populations rurales, qui émet dans plusieurs langues locales, qui produit des émissions – souvent interactives – conçues avec le public, et dont les animateurs, à la fois reporters, fact-checkers et techniciens, ressemblent aux auditeurs. Une dimension participative et inclusive qui a marqué le réalisateur Robin Grassi.
« Ils font des assemblées de rédaction sur des places de village. Quand La Voix du paysan, à Ouahigouya, dans le nord du Burkina Faso, envisage le lancement d’une télévision, le projet est validé par les auditeurs ; ils discutent ensemble des émissions, des sujets, de la façon de les traiter et de l’horaire de diffusion. Ils sont en permanence dans l’innovation éditoriale, car ils s’adaptent à des communautés villageoises et à des contextes mouvants. Je rêverais de voir certains médias dits de proximité s’en inspirer plutôt que d’adopter une ligne éditoriale “descendante”. Ces radios sont aussi soutenues par des comités d’auditeurs constitués de façon spontanée. C’est assez rare dans un monde où les journalistes sont de plus en plus détestés », explique-t-il. Responsable du pôle studio de Reporters sans frontières (RSF), il a eu l’idée de consacrer un documentaire à ces médias peu après l’appel à la protection du journalisme local lancé en septembre 2024 par RSF et plus de 500 radios communautaires du Sahel.
Émettant jusqu’à 100 km à la ronde, les radios communautaires pénètrent là où plus grand-monde ne s’aventure, dans des zones où règnent les insurgés jihadistes. Et ces derniers les écoutent. À La voix du paysan, Adama Sougouri se souvient de leur appel téléphonique pour désapprouver leur désignation à l’antenne : « les gens de la brousse ». « Nous on les appelle les “barbus”, ou les “djihadistes”, mais c’est “barbus” qu’ils préfèrent », renchérit Ousmane Abdoulaye Touré. À la Voix de la Tapoa, au Niger, les journalistes ont, eux, opté pour « marabouts ».
À Gao, au nord-est du Mali, la radio Naata (« espoir » en langue songhaï), est au cœur des violences croisées des groupes armés. Lors de l’occupation de la ville par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, en 2012, de nombreux habitants fuient. « On a changé brusquement la grille des programmes, mais aussi nos attitudes, nos réflexes, car la liberté d’expression n’était plus garantie à 100 %. Mais on n’a jamais envisagé de fermer. Tout était bouleversé dans les centres de santé ; il y avait des mines sur les routes, des denrées alimentaires plus rares, des arrivées de convois humanitaires ; il fallait continuer de venir en aide aux populations dans la souffrance. La seule fois où on a fermé, trois jours, c’est quand notre journaliste Abdoul Aziz Djibrilla a été tué sur la route de Niamey par des hommes armés non identifiés. C’était le 6 novembre 2023, il se rendait à une formation. De nombreux habitants de Gao sont venus aux funérailles », raconte Ousmane Abdoulaye Touré.
Résister pour informer, mais aussi pour pacifier. Quand un notable songhaï est assassiné en 2018 et que fusent des appels à la vengeance contre la communauté arabe, soupçonnée d’être à l’origine du meurtre, la radio Naata fait intervenir un imam très respecté pour calmer les esprits. Avec succès.
À Say, au Niger, Fati Amadou Ali s’implique aussi à l’antenne dans la résolution de conflits entre éleveurs et agriculteurs. Petite fleur en strass sur la narine droite, la journaliste – tout en dénonçant le harcèlement, notamment sexuel, dont elle fait l’objet sur le terrain – encourage les femmes au leadership :« prendre ses responsabilités sans l’avis ou l’influence d’un tiers . ». Elle s’est aussi consacrée, récemment, au sort des femmes déplacées internes qui ont échoué à Say après avoir fui les violences des djihadistes dans leurs villages. « Avec le club des jeunes et des femmes, on a préparé l’émission, pour alerter sur leur situation. Elles ne font rien alors qu’elles ont peut-être des dons, des compétences. Il faut les aider », plaide-t-elle.
Ersatz de service public, La Voix du paysan, à Ouahigouya, l’est aussi. Elle forme depuis 1996 aux techniques culturales innovantes pour contrer la récurrence des sécheresses et la dégradation des sols. Elle œuvre aussi à l’alphabétisation, à la santé, ou à la nutrition à travers ses émissions. Les radios communautaires, reprend Ousmane Abdoulaye Touré, « donnent goût à la vie, goût à l’activité, goût à ce qui se passe dans le monde. ».
À voir : Radios communautaires : leur combat pour informer au Sahel, 23 mn, un film de Robin Grassi/Reporters sans frontières, disponible sur Arte à partir du 16 novembre.
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LES ARTICLES DE LA SEMAINE
JOURNAL DE BORD DE LA FLOTTILLE GLOBAL SUMUD
De Tunis à Gaza, la chronique de Zukiswa Wanner
Chroniques Retrouvez les quatre premiers épisodes de Zukiswa Wanner, écrivaine et activiste sud-africaine, embarquée à bord de la flottille Global Sumud, en route pour Gaza. Son bateau, rebaptisé par elle « Mendi Réincarné », a pris la mer le dernier, mercredi 17 septembre, depuis Tunis.
Dans le nord de la Côte d’Ivoire, « une vie serrée est mieux que la mort »
Reportage Alors que l’élection présidentielle ivoirienne se tient le 25 octobre, l’arrivée et l’accueil de nombreux réfugiés burkinabè, dans le nord-est du pays, restent un sujet politiquement sensible. Sur place, exilés, organisations internationales et services de l’État tentent de trouver des solutions pérennes sur fond de méfiance des populations locales.
Par Hadrien Degiorgi
Somaliland. Une reconnaissance états-unienne au mépris du génocide à Gaza ?
Analyse L’ambiguïté du gouvernement somalilandais au sujet d’un « projet » américano-israélien de déportation de la population gazaouie vers son territoire a nourri des rumeurs d’un rapprochement prochain entre Israël et le Somaliland, malgré le génocide en cours. Cette attitude vise avant tout à préserver et à accélérer des années d’efforts diplomatiques menés auprès des États-Unis, dont le Somaliland espère obtenir la reconnaissance.
Par Brendon Novel
Au Soudan, « deux projets qui n’ont rien à voir avec la démocratie »
Analyse Après deux ans et demi de guerre, le Soudan est divisé : l’Ouest est sous le contrôle des Forces de soutien rapide et le reste du pays est aux mains de l’armée. Les deux gouvernements parallèles récemment installés manquent cependant de légitimité, malgré une façade civile.
Par Augustine Passily
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IN ENGLISH
LOGBOOK OF THE GLOBAL SUMUD FLEET
On the way to Gaza. The chronicles of Zukiswa Wanner
The South-African writer and activist Zukiswa Wanner publishes in Afrique XXI her logbook from the Global Sumud Floatilla sailing to Gaza. Her boat, which name must not be revealed before the end of the mission, set sail from Tunis on Wednesday. Also available story 1, 2, 3 and 4.
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